L'endométriose

Docteur Charles BRAMI

L’endométriose est définie par la présence de tissu endométrial qui se développe en dehors de l’utérus et est responsable d’une inflammation chronique pouvant être asymptomatique ou responsable de douleurs et d’infertilité.

La prévalence de l’endométriose n’est pas exactement connue mais estimée à 2 à 10 % des patientes en âge de reproduction et entre 25 à 50 % des patientes présentant un problème d’infertilité.

 

Quelle est l’origine de l’endométriose ?

L’origine probable, mais non encore prouvée, serait un reflux de l’endomètre (muqueuse qui tapisse la cavité utérine, qui réagit aux hormones au cours du cycle menstruel et qui s’élimine à l’occasion des règles) par les trompes au moment des règles vers la cavité abdominale.

Ces cellules de l’endomètre se greffent ou s’implantent au niveau du pelvis et cette greffe peut toucher le péritoine (membrane qui enveloppe tous les organes situés dans l’abdomen), les ovaires, les trompes et tous les organes présents dans le pelvis, à savoir la vessie, le colon et le recto-sigmoïde, et quelquefois même à distance, d’autres organes (par exemple le poumon).

 

Quels symptômes sont associés ou prédictifs d’un diagnostic d’endométriose ?

Selon les recommandations, les cliniciens devraient suspecter une endométriose devant les symptômes suivants :

  • dysménorrhée,
  • douleurs pelviennes en dehors du cycle,
  • dyspareunie,
  • problème d’infertilité.

Chez les patientes en ménopause, les symptômes tels que dysurie, hématurie, rectorragies, doivent être pris en compte.

 

Quelles données de l’examen clinique sont évocatrices d’une endométriose ?

Les cliniciens doivent suspecter une endométriose devant :

  • une induration ou des nodules recto-vaginaux,
  • la palpation d’une masse annexielle,
  • des nodules vaginaux au niveau du cul de sac postérieur,
  • un examen clinique normal ne peut pas éliminer une endométriose pelvienne.

 

Quels examens ou explorations complémentaires peuvent être entrepris pour le diagnostic d’endométriose ?

1/ Une échographie pelvienne : l’échographie pelvienne endo-vaginale est un examen important pour le diagnostic d’endométriose ovarienne.

Elle permet notamment de détecter des endométriomes, leur nombre, leur position au niveau de l’ovaire et leur taille.

Cet examen reste opérateur dépendant et ne peut être recommandé pour le diagnostic d’endométriose rectale.

 

2/ Une IRM pelvienne : actuellement, l’IRM pelvienne peut être reconnue comme un examen permettant l’évaluation de l’endométriose lorsqu’elle est effectuée par des radiologues ayant une expérience importante et notable de l’endométriose pelvienne.

L’IRM pelvienne est actuellement reconnue comme un examen clé et en tous cas suffisante dans le cas d’endométriose péritonéal et/ou recto-vaginale.

Endométriose

 

3/ Devant une suspicion d’endométriose « profonde », d’autres examens ou exploration peuvent être pratiqués, notamment une cystoscopie en cas de suspicion d’atteinte urinaire ou vésicale et une écho-endoscopie rectale en cas de suspicion d’endométriose recto-vaginale.

4/ La cœlioscopie est une exploration réalisée sous anesthésie générale.

La sensibilité du diagnostic coelioscopique d’endométriose a été évaluée et, selon les recommandations actuelles :

  • une cœlioscopie avec un diagnostic histologique d’endométriose est le « GOLD STANDARD » et la preuve irréfutable de la pathologie ;
  • une cœlioscopie sans preuve histologique retrouvée ne peut néanmoins suffire à éliminer le diagnostic d’endométriose.

 

Nodules péritonéaux d’endométriose

Endométriose Endométriose

 

Kyste endométriosique de l’ovaire

Endométriose

 

Incision per-opératoire d’un kyste endométriosique laissant diffuser un liquide « chocolat »

Endométriose Endométriose

 

Adhérences péritubo-ovariennes suite à une endométriose ovarienne et péritonéale

Endométriose

 

Les deux principales causes de l’endométriose sont :

  1. la douleur
  2. l’infertilité

 

La douleur

La recherche de la symptomatologie douloureuse qui doit faire évoquer une endométriose repose sur un interrogatoire précis.

Voici le type de questionnaire qui permettra au mieux de cerner les signes les plus évocateurs :

  • antécédents d’entométriose dans la famille
  • antécédents de chirurgie pelvienne
  • âge de survenue des premières règles
  • règles douloureuses (dysménorrhée)
  • douleurs pelviennes ou lombaires
  • douleurs au moment d’uriner
  • présence de sang dans les urines
  • signes digestifs (douleurs au moment d’aller à la selle, constipation, diarrhée, sang dans les selles)
  • douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunie)
  • intensité des douleurs sur une échelle de 1 à 10
  • antécédents de grossesse : nombre d’enfants nés, fausse couche, IVG…
  • projet de grossesse
  • traitement hormonal ou antalgique en cours.

 

Traitement du symptôme douleur dans l’endométriose

Recommandations de l’ESHRE (European Society for Human Reproduction and Embryology)

 

Classification des recommandations en grade A, B, C, D et GPP

Table 1 Key to grades of recommendations used in ESHREguideline

Grade of recommendations

Based on

A

Meta-analysis or multiple randomized trials (of high quality)

B

Meta-analysis or multiple randomized trials (of moderate quality)

Single randomized trial, large non-randomized trial(s) or case control/cohort studies (of high quality)

C

Single randomized trial, large non-randomized trial(s) or case control/cohort studies (of moderate quality)

D

Non-analytic studies or case reports / case series (of high or moderate quality)

GPP (Good practice point)

Based on experts opinion

All studies of low quality were excluded from the guideline

 

De nombreuses femmes se présentent souffrant de douleurs pelviennes alors qu’il y a une forte suspicion d’endométriose, sans preuve reconnue de la « maladie », utilisent des analgésiques nombreux et divers, voire un traitement hormonal.

Cette approche empirique est relativement banale, notamment chez les adolescentes présentant des douleurs pelviennes et une dysménorrhée.

Selon l’étude de CHAPRON en 2011, il est reconnu et estimé que débuter un traitement hormonal contraceptif chez les adolescentes du fait d’une dysménorrhée primaire peut-être déjà l’indication d’un diagnostic d’endométriose profonde dans les années qui suivront.

 

Les traitements hormonaux sont-ils efficaces sur le symptôme douleur associé à l’endométriose ?

  • Les traitements hormonaux, qu’il s’agisse de contraceptifs oraux ou de progestatifs, sont reconnus comme efficaces dans le traitement de la douleur dans l’endométriose (preuve de type A ou DCB) ;
  • L’utilisation des agonistes de la Lh-Rh, associés ou non à une « add-back therapy » est efficace dans la prise en charge des douleurs, mais peut être associée à des effets délétères et doit donc être discutée avec les patientes du fait notamment du risque d’ostéoporose.

    Le traitement par agonistes ne doit pas être utilisé comme première approche thérapeutique chez les patientes jeunes ou au-delà d’une durée variant entre 3 à 6 mois (preuve de type A ou GPP) ;
  • Les inhibiteurs de l’aromatase : du fait d’effets secondaires importants, les inhibiteurs de l’aromatase devraient être seulement prescrits chez des patientes, après échec des traitements médicaux ou chirurgicaux ;
  • En ce qui concerne les traitements anti-inflammatoires non stéroïdiens : le GDC recommande que les cliniciens peuvent utiliser cette option thérapeutique dans les traitement antalgiques de l’endométriose (preuve de type GPP).

 

La chirurgie est-elle efficace dans le traitement des douleurs associées à l’endométriose ?

  • Lorsque l’endométriose est diagnostiquée à la cœlioscopie, il est recommandé que le chirurgien opère l’endométriose, notamment péritonéale, traitement chirurgical reconnu comme important pour la réduction de la douleur (preuve de type A).

    Selon les études WRIGHT et HEALEY, l’ablation ou la résection des implants péritonéaux sont efficaces sur les douleurs liées à l’endométriose (preuve de type C).
  • Prise en charge des endométriomes ovariens : selon le GDG, en cas d’endométriomes ovariens reconnus, il est préférable de pratiquer une kystectomie plutôt qu’un drainage et une coagulation du kyste (preuve de type A).

    La kystectomie réalisée de façon chirurgicale a de meilleurs résultats sur le symptôme douleur que la vaporisation au laser (preuve de type B).
  • Prise en charge de l’endométriose « profonde » et notamment de lésions recto-vaginales : la chirurgie des lésions endométriosiques pelviennes profondes et recto-vaginales est efficace sur le syndrome douloureux, mais peut être associée à des complications significatives, notamment lorsqu’une chirurgie colique ou rectale est nécessaire.

    Le pourcentage de complications per ou post-opératoires varie selon les études, entre 2,1 et 4,6 %.

    Il n’y a pas à ce jour d’arguments évidents lorsque l’acte chirurgical est pratiqué pour choisir entre résection segmentaire digestive ou méthode de « shaving » (preuve de type B et de type GPP).

    Dans d’autres cas, notamment chez les patientes n’étant plus en âge de reproduction, une indication d’hystérectomie peut être envisagée, mais lorsqu’elle s’accompagne d’une conservation des ovaires, le gain escompté sur la douleur pelvienne n’est pas toujours formel (preuve GPP).

    La chirurgie des nerfs pré-sacrés est efficace (preuve de type A) mais est un acte chirurgical délicat, qui doit être réalisé par des chirurgiens expérimentés.

    La prévention des adhérences après chirurgie d’endométriose n’a pas relevé un niveau de preuve suffisant en termes de prévention de la douleur, mais le  GDG recommande néanmoins son emploi dans les cas de chirurgie pelvienne lourde.

 

Les traitements hormonaux sont-ils utiles en phase pré-opératoire ou post-opératoire ?

Recommandation de niveau A : les cliniciens ne doivent pas prescrire de traitement hormonal pré-opératoire afin d’améliorer le résultat de la chirurgie, tant sur le plan technique que pour le gain en termes de douleur, chez les patientes présentant une endométriose.

 

Y a-t-il une place pour le traitement hormonal post-opératoire ?

Le GDG émet une recommandation de niveau A : les cliniciens ne devraient plus prescrire de traitement hormonal adjuvant post-opératoire chez les patientes présentant une endométriose, dans le but de réduire la douleur car les résultats de plusieurs études n’ont pas montré d’effets de ce traitement.

Le GDG recommande néanmoins (preuve de niveau A) que dans le cadre d’une prévention de récidive d’endométriomes ovariens, l’usage de traitements hormonaux, de type contraceptif, peut être envisagé (étude de HART - 2008 et de VERCELLINI - 2010).

 

Quels traitements adjuvants peuvent être envisagés ?

Preuve de niveau GPP : le groupe d’étude ne recommande pas l’utilisation de suppléments nutritionnels ou d’une médecine alternative (acupuncture, hypnose,…) car les bénéfices potentiels ne sont pas reconnus.

Néanmoins, dans certains cas, cette médecine alternative peut avoir de réels bénéfices.


ENDOMETRIOSE ET INFERTILITE

Les recommandations de l’HAS (Haute Autorité de Santé)

Les objets de cette recommandation de bonnes pratiques sont élaborés selon la méthode résumée dans l’argumentaire scientifique, et décrits dans le guide méthodologique de l’HAS, disponible sur son site :

www.has-sante.fr


L’endométriose est définie par la présence et le développement de glandes ou de cellules du stroma endométrial en dehors de l’utérus.

Cette pathologie inflammatoire, souvent hormono-dépendante, source de cicatrices tissulaires ou de lésions kystiques, est responsable de phénomènes douloureux et, par sa localisation variable (ovarienne, péri-tubaire, pelvienne, digestive…), d’infertilité.

Les recommandations de l’HAS écrites en 2017 portent sur la stratégie de prise en charge de l’infertilité dans un contexte d’endométriose.

En voici une synthèse reposant sur les grades de recommandations et/ou avis d’experts :


GRADE A : preuve scientifique établie :

Fondé sur des études de fort niveau de preuve, essais comparatifs randomisés, méta-analyses…


GRADE B : présomption scientifique :

Fondé sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve, comme des essais comparatifs randomisés de faible puissance, ou des études comparatives non randomisées.


GRADE C : faible niveau de preuve :

Fondé sur des études de moindre niveau, comme des études-témoins, études rétrospectives ou comportant des biais importants.


GRADE AE : accord d’experts:

En l’absence d’études, ces recommandations sont fondées sur un accord entre experts du groupe de travail.

 

I - La prise en charge de l’infertilité dans un contexte d’endométriose doit être pluri-disciplinaire et tenir compte :

  • de l’âge de la patiente,
  • des données biologiques et échographiques de la « réserve ovarienne »,
  • du statut tubaire (hystérosalpingographie ou coelioscopie…),
  • des paramètres spermatiques,
  • de l’importance des phénomènes algiques et de l’efficacité des traitements antalgiques éventuellement déjà donnés,
  • la notion d’équipe pluri-disciplinaire permet une prise en charge optimale : gynécologue, spécialiste de l’infertilité, endocrinologue, psychologue, spécialiste en imagerie, chirurgien digestif ou urologue, sont à même de juger des indications thérapeutiques.

 

II - Place des traitements hormonaux anti-gonadotropes

RECOMMANDATION DE TYPE A

Il n’est pas recommandé de prescrire un traitement hormonal anti-gonadotropes chez une patiente infertile dans un contexte d’endométriose, dans le but d’augmenter les chances de grossesse (hors fécondation in vitro, FIV), y compris dans un cadre post-opératoire.

 

III – Endométriose minime à légère (stades I et II, classification ASRM)

RECOMMANDATION DE TYPE C

En dehors de la FIV, la présence d’une endométriose minime ou légère peut justifier l’utilisation d’une induction d’ovulation avec ou sans insémination intra-utérine.

 

IV – En cas d’endométriose pelvienne profonde ou d’endométriome, les données de la littérature sont insuffisantes pour justifier l’indication des traitements d’assistance médicale à la procréation (AMP) hors FIV, qu’il s’agisse d’induction d’ovulation ou d’insémination intra-utérine.

 

V – Fécondation in vitro en cas d’endométriose

- Les résultats de la prise en charge en FIV en termes de grossesses et de naissances ne semblent pas affectés par l’existence d’une endométriose, quel que soit son stade.

Néanmoins, en cas d’endométriose sévère, le nombre d’ovocytes recueillis semble être plus faible.

- Les études sur la stimulation de l’ovulation ne montrent pas d’aggravation des symptômes liés aux lésions d’endométriose, d’accélération de l’évolution ou d’augmentation du taux de récidive (niveau de preuve 2).

- Le mode de fécondation (FIV classique ou ICSI) ne change pas les taux de grossesses cumulés : niveau de preuve 3.

De ce fait, recommandation d’avis d’experts, l’endométriose n’est pas une indication pour privilégier l’ICSI par rapport à la FIV classique.

 

Il n’y a pas de différence en termes de taux de grossesse entre les protocoles agonistes de la Lh-Rh et les protocoles antagonistes (niveau de preuve 3).

 

- RECOMMANDATION DE GRADE B : dans un contexte d’endométriose, il est recommandé de mettre en place un pré-traitement avant stimulation par agonistes de la Lh-Rh (GRADE B) ou par contraception oestro-progestative (RECOMMANDATION DE GRADE C).

 

VI – Endométriose superficielle (RECOMMANDATION DE GRADE C)

Dans le contexte d’endométriose superficielle et d’infertilité, il n’est pas justifié de réaliser un traitement chirurgical de l’endométriose superficielle avant une FIV.

 

VII – Endométriome

- Il n’y a pas d’impact des endométrioses de taille inférieure à 6 cm sur la qualité des embryons et les résultats de la FIV, malgré une diminution possible du nombre d’ovocytes recueillis.

- RECOMMANDATION DE GRADE B : le traitement chirurgical des endométriomes avant FIV n’est pas recommandé, en dehors de phénomènes algiques possibles.

La littérature ne retrouve pas d’amélioration des résultats de la FIV par la ponction drainage écho-guidée avant stimulation ovarienne (niveau de preuve 3).

 

VIII – Endométriose profonde

- RECOMMANDATION DE GRADE B :

La prise en charge par FIV peut être justifiée afin d’augmenter les taux de grossesses dans un contexte d’infertilité et d’endométriose profonde.

Les études comparatives ne permettent pas de conclure sur l’intérêt de la prise en charge chirurgicale des lésions d’endométriose profonde avant FIV en dehors d’une symptomatologie associée.

Il est impératif de mettre en balance le risque de complications post-opératoires immédiates d’une chirurgie souvent invasive, ainsi que le risque d’altération de la réserve ovarienne lorsque sont associés des endométriomes ovariens.

 

- RECOMMANDATION DE GRADE C :

Il n’est pas recommandé de réaliser un traitement chirurgical préalable de l’endométriose profonde dans le but d’améliorer des résultats en FIV lorsque les phénomènes algiques ne sont pas prédominants.

- Avis d’experts : en cas d’échec de tentatives de FIV, une concertation médico-chirurgicale est recommandée avant une chirurgie de l’endométriose profonde.

 

IX – Adénomyose

La part de l’adénomyose sur les taux de grossesse est difficile à évaluer en cas d’endométriose associée, les taux de fausses couches semblent supérieurs (niveau de preuve 2).

L’utilisation d’agonistes de la Lh-Rh semble améliorer les résultats de la FIV en cas d’adénomyose.

 

X – Préservation de la fertilité en cas d’endométriose

Avis d’experts : il semble avéré qu’il existe une altération de la réserve folliculaire liée à l’endométriose ovarienne (niveau de preuve 2) et que la chirurgie est susceptible d’aggraver cet état de fait (niveau de preuve 2).

Les possibilités de préservation de la fertilité, même en dehors d’une absence de projet parental immédiat, peuvent être discutées avec la patiente et dans un contexte de concertation pluri-disciplinaire, notamment en cas d’endométriome ovarien (accord d’experts).

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