Les recommandations de l’ESHRE

Docteur Charles BRAMI

Les recommandations de l’ESHRE sur le diagnostic et le traitement de l’endométriose, analysées en 2005, ont été une référence pour la prise en charge optimale de l’endométriose, tant en terme de pathologie gynécologique que d’infertilité.

J.A.J DUNSELMAN et collaborateurs ont réactualisé ces recommandations avec la participation d’un groupe d’experts qui ont réalisé une étude bibliographique portant jusqu’à janvier 2012 avec également la participation d’un groupe de patientes.

83 recommandations sur le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, responsable de douleurs et d’infertilité, ont été établies à partir de 22 questions principales.

32 des 83 recommandations pour la prise en charge des patientes avec endométriose n’étaient pas basées sur un « degré suffisamment élevé d’évidence » (depuis le grade A, degré important d’évidence, jusqu’au grade D, degré insuffisant d’évidence).

Des avis d’experts ont été alors pris, ce qui correspond dans la sémantique de l’étude, au « good practice point » (GPP).

 

L’endométriose est définie par la présence de tissu « endométrial » en dehors de l’utérus, responsable d’une inflammation chronique, pouvant être asymptomatique ou responsable de douleurs et d’infertilité.

La prévalence exacte de l’endométriose n’est pas exactement connue, mais estimée à 2 à 10 % des patientes en âge de reproduction et entre 25 à 50 % des patientes présentant un problème d’infertilité.

 

Table 1 Key to grades of recommendations used in ESHREguideline

Grade of recommendations

Based on

A

Meta-analysis or multiple randomized trials (of high quality)

B

Meta-analysis or multiple randomized trials (of moderate quality)

Single randomized trial, large non-randomized trial(s) or case control/cohort studies (of high quality)

C

Single randomized trial, large non-randomized trial(s) or case control/cohort studies (of moderate quality)

D

Non-analytic studies or case reports / case series (of high or moderate quality)

GPP (Good practice point)

Based on experts opinion

All studies of low quality were excluded from the guideline

 

484 commentaires de REVIEWERS ont été adressés et éventuellement pris en compte dans la rédaction finale des recommandations de l’ESHRE par le GDG (Guidline Development Group).


 

QUESTIONS CLÉS ET RECOMMANDATIONS
 

Sur la prise en charge de l’infertilité chez des patientes présentant une endométriose
 

1/ Les traitements hormonaux sont-ils efficaces chez des patientes présentant une infertilité associée à une endométriose ?

Chez ces patientes, il n’y a pas d’intérêt à prescrire un traitement hormonal visant à supprimer la fonction ovarienne pour améliorer la fertilité, qu’il s’agisse de traitements progestatifs, de contraception orale, d’analogues de la Lh-Rh ou du Danazol (étude de HUGUES et Coll. 2007).

 

2/ Est-ce que la chirurgie est indiquée d’emblée chez les patientes infertiles présentant une endométriose ?

-     Chez les patientes présentant une endométriose minime à modérée (minimal to mild endometriosis), il apparaît, selon les données d’une Cochrane Review, que la chirurgie coelioscopique est plus efficace que la coelioscopie diagnostique sur les taux de grossesses (CHANG et Coll. 1997, JACOBSON et Coll. 2010).

Selon le GDG :

Chez les patientes présentant une endométriose stade I/II selon la classification AFS/ASRM, il est indiqué de pratiquer une chirurgie coelioscopique avec excision ou ablation des lésions d’endométriose, éventuelle une adhésiolyse, plutôt que de se contenter d’une coelioscopie diagnostique. 


Coelioscopie : lésion péritonéale d’endométriose

Selon l’étude de CHANG (1997), il serait préférable que la vaporisation, quand  est effectuée, des lésions minimes d’endométriose se fasse par laser, plutôt que par électrocoagulation monopolaire.

 

-      Chez les patientes présentant un endométriome ovarien, en cas de chirurgie, il est recommandé par le GDG de pratiquer une kystectomie complète plutôt qu’un drainage avec électrocoagulation de l’endométriome.

Le GDG recommande néanmoins que les patientes soient informées du risque de lésion ovarienne et de diminution de la réserve folliculaire ovarienne, après chirurgie.


IRM : endométriome ovarien

Les bénéfices et risques de ce type d’intervention doivent être donc être murement pesés.

 

-      En cas d’endométriose de stade III/IV, selon la classification de l’AFS/ASRM, il et recommandé d’envisager plutôt une chirurgie coelioscopique, plutôt que « l’expectative » pour améliorer les taux de grossesse spontanés (VERCELLINI et Coll. 2006).

 

3/ Selon le GDG, il n’est pas recommandé de prescrire des traitements hormonaux avant le geste chirurgical (recommandement de type GPP)

De même, il n’y a pas de preuve qu’un traitement hormonal post-chirurgical améliore le taux de grossesse spontané après un acte chirurgical (FURNESS et Coll. 2004) (recommandation de type A).

 

4/ Quelles autres alternatives médicales ou para-médicales peuvent être envisagées pour la prise en charge de l’infertilité en cas d’endométriose ?

Le GDG ne retrouve pas de preuve que l’utilisation de suppléments nutritionnels ou la prise en charge par des médecines alternatives améliore la prise en charge de l’infertilité liée à l’endométriose, néanmoins certaines patientes peuvent en tirer bénéfice et il n’y a pas de contre-indication à envisager (recommandation de type GPP).

 

5/ Quelle est la place de l’Assistance Médicale à la Procréation  (AMP) en cas d’endométriose ?

  • Chez les femmes infertiles présentant une endométriose de stade I/II, il est recommandé de pratiquer des inséminations intra-utérines (IUI) avec inductions d’ovulation contrôlée, plutôt qu’une attitude d’expectative.
     
  • Chez les patientes ayant été opérées, les IUI peuvent être réalisées dans ce type d’endométriose, dans les 6 mois lorsqu’un traitement chirurgical a été réalisé (recommandation de type C).
     
  • Dans le cadre de la fécondation in vitro (FIV) :

    L’influence de l’endométriose sur le taux de succès de la FIV n’est pas univoque.
    Les taux de grossesses rapportés chez les patientes ayant eu une FIV ou une ICSI sont plus bas chez les patientes présentant une endométriose de stades III et IV lorsqu’on les compare à des patientes traitées par FIV pour une pathologie tubaire (BARNHART et Coll. 2002).
    Selon d’autres études, ces données n’ont pas été retrouvée et il n’a pas été confirmé que l’endométriose affecte les taux de grossesse après fécondation in vitro.
    Il n’a pas été retrouvé de différence significative entre l’utilisation des protocoles antagonistes ou des protocoles agonistes dans les inductions d’ovulation chez les patientes présentant une endométriose minime ou modérée (étude de PABUCCU et Coll. 2007).
    Le GDG recommande l’indication de l’Assistance Médicale à la Procréation par FIV chez les patientes infertiles présentant une endométriose, lorsqu’un facteur tubaire existe, ou lorsqu’un facteur masculin est associé ou en cas d’échec du traitement (recommandation de type GPP).

6/ Quels sont les risques infectieux ou de récidive d’endométriose lorsqu’un traitement de FIV est réalisé ?

Selon plusieurs études (COCCHIA et Coll. 2010 ; BENAGLIA et Coll. 2011), il n’y pas de récurrence majeure de l’endométriose après induction d’ovulation pour FIV (recommandation de type C).

Chez les patientes présentant des endométriomes et devant subir une FIV, il est recommandé d’administrer un traitement antibiotique préventif lors de la ponction des follicules ovariens (recommandation de type D).

7/ Les traitements médicaux sont-ils efficaces préalablement à un protocole de FIV en cas d’endométriose ?

Dans une Cochrane Review, les auteurs concluent que la désensibilisation hypophysaire après 3 à 6 mois d’agonistes de la Lh-Rh chez les patientes présentant une endométriose, augmente les chances de grossesse clinique par un facteur IV (analyse de SALLAM et Coll. 2006) (recommandation de grade B).

8/ Faut-il opérer les patientes préalablement à traitement d’Assistance Médicale à la Procréation pour améliorer les taux de grossesse ?

  • L’Etude rétrospective d’OPOIEN et Coll. réalisée en 2011 avait montré que chez un groupe de patientes présentant une endométriose minime ou modérée, le traitement chirurgical par coelioscopie préalablement au traitement de FIV, avait augmenté, de façon significative, les taux d’implantation embryonnaire et de grossesse dans le groupe traité.

Néanmoins, cela n’implique pas qu’une coelioscopie doive être pratiquée avant tout traitement de FIV chez les patientes présentant une endométriose, ce dans le seul but de diagnostic (recommandation de type C).

  • Plusieurs études ont évalué l’indication de kystectomie ovarienne en cas d’endométriome, dans le but d’améliorer les résultats de la FIV (DONEZ  2001 ; HART 2008 ; BENSCHOP 2010).

Chez les patientes présentant un endométriome de plus de 3 cm de diamètre, il n’y a pas d’évidence que la kystectomie préalable à la FIV augmente les résultats de grossesse (recommandation de type A).

Dans ce groupe de patientes présentant un endométriome de taille supérieure à 3 cm, le GDG recommande aux cliniciens de poser l’indication de kystectomie, soit en cas de douleurs majeures associées, soit pour améliorer l’accessibilité aux follicules ovariens (recommandation GPP).

Le GDG recommande de bien juger des risques de lésion du tissu ovarien et de diminution des « réserves follicultaires » avant tout acte chirurgical (recommandation de type GPP).

  • Chez les patientes infertiles présentant une endométriose profonde ou sévère, il n’y a pas d’évidence à recommander une chirurgie pelvienne portant sur les nodules profonds avant une assistance médicale à la procréation. Néanmoins, l’association à une symptomatologie douloureuse doit être prise en compte dans l’indication d’un traitement chirurgical préalable (recommandation de type C).

9/ Quelle information fournir aux patientes présentant une endométriose sur le risque d’apparition d’un cancer ?

Le GDG estime qu’il n’y a pas de lien probant entre endométriose et cancer.

Certaines études ont montré une augmentation très limitées du risque de cancer de l’ovaire ou de lymphomes non Hodgkiniens chez les patientes présentant une endométriose, mais que cela ne nécessite pas de modification dans la surveillance habituelle des patientes présentant une endométriose (recommandation de type GPP).

EN CONCLUSION

Les auteurs reconnaissent que sur les 83 recommandations, près de la moitié ont pu seulement être formulées après avis d’un groupe de spécialistes et non sur les données d’analyse bibliographique.

Cela amène les auteurs à proposer de poursuivre les recherches sur l’aspect clinique et thérapeutique de l’endométriose, et notamment sur les points suivants :

  • l’efficacité des traitements chirurgicaux dans le cadre d’endométriose de type III/IV en préalable au traitement d’assistance médicale à procréation,
  • la meilleure façon de prévention de l’endométriose, une fois qu’elle est diagnostiquée,
  • l’amélioration des prises en charge des douleurs en cas d’endométriomes ovariens ou d’endométriose profonde, notamment chez les patientes n’ayant pas de projet conjugal immédiat, mais pouvant être à risque d’infertilité,
  • l’utilisation de biomarqueurs pour le diagnostic et la prise en charge et la surveillance de l’endométriose,
  • l’intérêt d’utilisation de méthodes anti-adhérentielles dans le cadre de la chirurgie de l’endométriose,
  • la prise en charge clinique de l’endométriose chez les adolescentes.

 

ESHRE guideline : management of women with endometriosis - G.A.J. DUNSELMAN et coll. - Human Reproduction Vol.29 n° 3 pp 400 - 412, 2014.

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